La Lecture, une dépendance saine
« Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas. »
Victor Hugo
La lecture est une activité indispensable, voire essentielle dans la vie de tous les jours. Initiée depuis notre bas âge à cette pratique, nous lisons pour nos besoins aussi bien académiques que professionnels. Opération routinière, la lecture est devenue une entreprise tellement banale que nous ne faisons plus vraiment attention à son influence dans notre vie. Pourtant, dans un monde où l’intérêt monétaire prime sur la construction intellectuelle et spirituelle, le besoin de lire devient une nécessité. Cependant, nous la reléguons toujours au second plan. Mais si nous nous y arrêtons un instant en prenant le temps de bien observer, nous constatons que lire améliore notre bien-être physique et mental. Deux facteurs qui ne sont pas à négliger quand on a en tête l’atteinte de nos objectifs. En effet, la connaissance et la maîtrise de notre environnement, qui se fait par l’intermédiaire de notre cerveau, doit impérativement être entretenue au quotidien afin de répondre à nos attentes, et ainsi, mieux nous accompagner dans cette fabuleuse expérience qu’est la vie.
Alors, comment entretenir notre cerveau ? Quels sont les bénéfices cognitifs en lien avec la lecture ? Comment la lecture d’un livre, d’un roman peut-elle améliorer notre état émotionnel, modifier notre comportement ? Et enfin, comment la lecture peut-elle améliorer notre prestige social?
1- Définition : Qu’est-ce que la lecture ?
Introduite dès notre plus jeune âge, la lecture est une compétence fondamentale qui nous accompagne tout au long de notre vie. Elle se définit comme étant l’action de comprendre, mais aussi d’interpréter des textes écrits. Plus exactement, elle permet de décoder et d’appréhender les idées, les informations et les messages contenus dans les écrits. Comme nous pouvons le lire dans cet extrait tiré de l’ouvrage Peintures en esquisses de l’auteur Musinga Mwa Tiki, où Jibril, le personnage principal, reçoit en guise de cadeau des ouvrages de la part de son amie alors qu’il ne sait pas lire. Il nous confie ceci :
« Mon cœur bat à tout rompre. D’abord, je suis pris d’une rage subite devant un geste qui me semble une moquerie abominable de la part de cette jeune femme. […], je bride mes émotions et tâche alors de comprendre la raison de cet envoi.
[…] Je referme la porte derrière moi et vais rejoindre Roger. Il est à son poste. D’une traite, il m’a lu la lettre de Laurence. Ensuite, il a épelé les deux titres. La mère de Caroline me prie de lire ces livres.
Je ne sais pas lire.
Quel message veut-elle me communiquer à travers cette lecture ? […]
Je rentre chez moi songeur et agité. Chaque soir, à mon retour de travail, j’en sors un et je répète le titre à voix basse puis plus haut. Je commence à éprouver une envie sourde de pénétrer les secrets contenus dans ces volumes. »
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Qu’elle soit faite à voix haute ou de façon silencieuse, la lecture est un processus complexe qui implique plusieurs étapes et fonctions cognitives :
- La reconnaissance visuelle des mots et des lettres.
- La compréhension du vocabulaire et de la grammaire selon la langue utilisée par les écrivains.
- L’interprétation des phrases et du texte.
- L’utilisation des connaissances générales et de l’expérience personnelle pour comprendre le contexte et les allusions faites par l’auteur.
Cette dernière étape, sans doute la plus importante, demande aux lecteurs de posséder une certaine érudition afin de prendre de la distance avec le contenu proposé tout en y apposant un sens critique. Connaître les genres de lecture est essentielle si nous voulons nous faire notre propre opinion quant à la qualité des mots, la structure des phrases et le message de l’auteur.
2- Quels sont les genres de lectures ?
Que nous soyons des lecteurs amateurs ou des critiques littéraires, identifier le registre dans lequel s’inscrit l’ouvrage que nous voulons lire est primordial. Dans un premier temps, celui-ci est déterminé de manière explicite parce qu’il permet d’établir un rapport entre nous et l’objectif poursuivi. Dans un second temps, l’identification devient plus implicite car toute notre expérience personnelle est sans cesse convoquée pour mieux appréhender le contenu proposé.
Alors quels sont les genres de lecture ? Et quelles informations sommes-nous censés y trouver ?
Les genres de lecture sont variés et peuvent être classés en fonction de plusieurs critères. En voici quelques-uns :
- La lecture d’agrément : permet de se divertir, de se détendre et de s’évader. Elle concerne les romans, les bandes dessinées, les mangas, les livres de science-fiction, de fantasy, de policiers, etc.
- La lecture informative : permet d’acquérir des connaissances et des informations sur un sujet précis. Elle concerne les essais, les documentaires, les livres d’Histoire, de sciences, de technologie, etc.
- La lecture de référence : permet de consulter des informations précises sur un sujet. Elle concerne les dictionnaires, les encyclopédies, les atlas, les manuels, etc.
Que la lecture soit faite uniquement pour le plaisir, pour apprendre ou que nous soyons à la recherche d’une information précise, la manière de lire diffère d’une personne à une autre. En fonction de l’objectif poursuivi, nous distinguons :
- La lecture critique : permet d’analyser et d’évaluer un texte en fonction de critères précis. Elle concerne les textes littéraires, les essais, les articles de presse, etc.
- La lecture rapide : permet de lire rapidement un grand nombre de pages pour en extraire les informations essentielles. Elle est souvent utilisée pour les rapports, les articles, les livres de sciences, etc.
- La lecture à voix haute : permet de partager un texte avec d’autres personnes. Nous la retrouvons pour les contes, les poèmes, les pièces de théâtre, etc. C’est également cette méthode que nos instituteurs mettent en place pour initier les tout-petits à la lecture.
C’est d’ailleurs avec cette stratégie que la jeune Caroline, un autre personnage du roman déjà cité, apprend, comme elle le dit, le français à son jeune ami :
« — Quoi donc Jibril ! Dis Arrête ! Mais ne mets pas quatre « r » à ce mot !
D’une voix ironique je lui réplique :
— Il n’y a pas assez de « r » dans ce mot.
Elle pousse un profond soupir et me lance un regard désapprobateur.
La leçon continue.
— Dis : je !
— Jé !
— Dis : Tu.
— Ti !
— Dis : Tu viens d’arriver.
— Ti viens d’arriver. »
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Poursuivons avec les différentes méthodes de lecture :
La lecture silencieuse : permet de lire un texte en silence pour soi-même. Elle est souvent utilisée pour les romans, les essais, les livres de science, etc.
La lecture en diagonale : permet de lire rapidement les parties importantes d’un texte pour en comprendre le sens général. Elle est empruntée pour les articles, les rapports, les livres de sciences, etc.
La lecture analytique : permet d’analyser un texte en détail pour en comprendre le sens profond. Nous l’utilisons pour les textes littéraires, les essais, les articles de presse, etc.
Savoir ce qu’est la lecture et identifier les types de lectures sont des éléments essentiels pour décrypter les textes et ainsi mieux atteindre les objectifs visés. Pour que cette dernière étape apporte dans notre vie des bénéfices certains, il est primordial de pérenniser l’acte de lire car le monde qui est en perpétuel changement demande une mise à jour des informations aussi bien autobiographiques que sémantiques. Cette dernière étape ne peut se faire que si l’action de lire devient une habitude routinière. Or, pour lire et conserver l’habitude de lire en dehors de nos activités académiques et même professionnelles, il faut savoir pourquoi nous lisons et quels avantages nous pouvons en tirer sur le long terme.
Quelle est l’importance de la lecture ? Que nous apporte-t-elle réellement dans la vie ?
Lire est une activité essentielle à notre développement cognitif . Du latin cognitio, la connaissance ou l’action d’apprendre est un facteur essentiel à notre évolution. C’est elle qui a permis l’émergence de la science et de la technologie pour une amélioration de notre quotidien moderne. Le développement cognitif est donc le processus qui modélise toutes nos conduites. Bien qu’il soit actif dès la naissance et même avant, il nécessite un entretien et un enrichissement tout au long de la vie.
Les processus cognitifs en corrélation avec la lecture sont entre autres : l’apprentissage, le raisonnement, la compréhension et la mémoire. Ainsi, lire un livre stimule nos capacités de l’esprit, favorise le développement des habiletés intellectuelles et améliore la mémoire. Lorsque nous lisons, nous retenons des informations, nous développons notre compréhension du langage, ce qui contribue à élargir notre vocabulaire. Notre diction s’améliore, nous apprenons à écrire, à rédiger.
À travers cette activité, nous travaillons notre concentration, nous intégrons des informations susceptibles d’améliorer notre raisonnement et notre perception du monde. Notre mémoire se développe grâce aux connexions neuronales qui s’établissent et se renforcent, nourrissant ainsi notre créativité et notre capacité d’association des idées.
Afin d’illustrer nos propos, citons une fois de plus Jibril Omar Kane : « […] Mais je cesse d’être un analphabète. Je me forge une culture puisée à l’ombre de la vie. Férocement, je me jette dans la quête du savoir. J’en ai assez d’être un pauvre Sénégalais ! J’ai les capacités pour absorber les subtilités de ce monde complexe. » Page 253
Les changements dans la pensée, l’intelligence et le langage sont les exemples de facteurs cognitifs qui sont nourris grâce à la lecture.
En outre, la lecture permet de lutter contre le stress et l’anxiété, deux états considérés comme étant les plus grands maux de ce siècle. En effet, par la distraction qu’elle apporte, la lecture éloigne notre esprit des préoccupations et des soucis en offrant un répit temporaire du stress. Pour ces chercheurs, la lecture améliore le bien-être psychologique et l’aptitude à résister aux épreuves.
Par ailleurs, l’acte de lire stimule la production de la dopamine, cette hormone du plaisir qui induit une relaxation du corps et de l’esprit, entraînant ainsi une diminution de la rumination mentale, cette tendance que nous avons à ressasser nos pensées négatives… La lecture améliore donc notre humeur tout en favorisant les relations sociales. (Robin Dunbar, 2016)
Certaines études établissent même un lien entre la lecture et les troubles cognitifs comme c’est le cas pour la maladie d’Alzheimer.
L’Alzheimer est une maladie neurodégénérative qui affecte le cerveau et est établie comme la première cause de démence chez les personnes âgées. Causée par une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux, l’Alzheimer entraîne une perte de mémoire progressive, des difficultés de communication, des problèmes de pensée et de raisonnement, des changements dans le comportement et des difficultés à effectuer des tâches quotidiennes. (David H Barlow et Mark Durand, 2016)
Pour pallier à ces dysfonctionnements cognitifs et ainsi retarder le déclin cognitif, les spécialistes de la santé mentale ont mis sur pied des portefeuilles à mémoire pour soutenir des conversations. Les malades reçoivent alors des petites fiches qu’ils gardent dans un portefeuille en plastique transparent et sur lesquelles sont mentionnées des informations en lien avec leur vie. (Michelle Bourgeois, 2007)
Cette stimulation cognitive par la lecture permet aux patients de mettre en pratique leur compétence mnésique et faire de nouveaux apprentissages, ce qui retarde alors l’apparition d’un déclin cognitif plus marqué et améliore la qualité de leur vie. (Knowles, 2010)
D’autre part, la réservation cognitive, technique mise en place en 2007 par le Dr Stern, neuroscientifique et professeur de psychologie à l’université de Columbia, démontre que la lecture aide à construire une réserve cognitive qui peut protéger contre le déclin cognitif lié au vieillissement. En effet, Yaakov Stern propose que les personnes en bonne santé, telles que les personnes âgées sans maladie mentale, disposent d’une réserve cognitive, c’est-à-dire des capacités de résistance face à la maladie mentale et aux altérations cognitives. Selon ce dernier, plus vous accroissez votre réserve cognitive en vous développant intellectuellement et en pratiquant la lecture, plus vous pouvez résister aux maladies mentales comme la maladie d’Alzheimer ou le déclin cognitif.
De ce qui précède, nous pouvons donc affirmer qu’il existe une forte corrélation entre le développement cognitif, son maintien et la lecture.
La plus grande spécificité de notre cerveau est sa capacité à se réorganiser et à s’adapter à de nouvelles expériences.
Même si nous ne le réalisons pas dans l’immédiat, lire des livres, des articles et même des textes en ligne contribue à la façon dont nous apprenons, dont nous pensons. Cela modèle alors notre comportement , d’où la nécessité de bien choisir nos lectures au quotidien.
Pour ma part, ce fait a été probant lors de ma rencontre avec l’auteur Musinga Mwa Tiki, ses ouvrages, son univers. Historienne et romancière, ses livres ont su m’insuffler cette énergie particulière qui pousse au renouvèlement, mais aussi au dépassement de soi. Depuis, chaque jour est pour moi une occasion de m’améliorer, d’apprendre et de développer des valeurs sujettes à influencer ma vie et celle de mon entourage.
Comme Jibril, j’ai expérimenté à travers les mots de l’auteur le véritable sens de l’amour et du sacrifice. J’y ai découvert comment les différentes ramifications du destin d’un homme se mêlent et s’entremêlent pour que ce dernier puisse accomplir sa mission, mais aussi respecter sa résolution individuelle.
La lecture est devenue pour moi un havre de paix, une source d’inspiration et de découverte. Je passe de nombreuses heures à lire, ce qui n’est pas sans conséquence sur mon monde intérieur et sur ma conduite quotidienne.
Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? 🙂
Références bibliographiques :
- Peintures en esquisses, Musinga Mwa Tiki, 2018, Ekima Media.
- Psychopathologie : une approche intégrative, David H. Barlow et V. Mark Durand, 2016, De boeck supérieur.
- Zen in the Art of Writing, Ray Bradbury, 1994, Joshua Odell Editions.
- Cognitive Reserve, Yaakov Stern, 2014, Routledge.
- Sciences Humaines, N° 359 « La biologie des liens affectifs, Entretien avec Robin Dunbar », Jean-Marie Pottier, 2023, https://www.scienceshumaines.com/la-biologie-des-liens-affectifs-entretien-avec-robin-dunbar_fr_46006.html
- Cairn.Info, Revue de neuropsychologie, Volume 8, « Capacités de réserve et entraînement cognitif dans le vieillissement : similarité des effets protecteurs sur la cognition et le cerveau », Benjamin Boller, Sylvie Belleville, 2016, https://www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2016-4-page-245.htm
- Muse Book Club, « 12 Citation littéraires incontournables sur la lecture par des auteurs célèbres », https://musebook.club/blogs/la-fournee-litteraire/12-citations-litteraires-incontournables-sur-la-lecture-par-des-auteurs-celebres