PEUPLES KέDU: Beauté Maninka

Introduction à la beauté mandenka

Une femme Maninka ©pinterest

Entre Soninké, Maninka, Senufo, Bamanan ou encore Dyula, les Peuples du Manden présentent de nombreuses caractéristiques en commun, qu’elles soient physiques, culturelles ou cultuelles.
D’une manière générale, ces caractéristiques débordent donc d’un peuple à l’autre.

Nous allons, pour ce numéro, nous attarder chez les Maninka de Guinée Conakry, mais parlons tout d’abord de la Beauté chez les Peuples du Manden.
Comme pour tous les autres peuples de Nubi, la Beauté Mandenka est finalement le résultat complexe de l’interaction de nombreuses variables.
Elle est produit brut des Terres du Manden forgé patiemment sur de longs siècles par une Tradition, des Us et des Coutumes propres à ce coin de Nubi.

Dans notre voyage dans le pays du Beau, ne nous arrêtons pas seulement à l’incarnation de la beauté féminine. Car, la beauté Mandenka a son penchant masculin.
La richesse des traits, autant chez la Femme que l’Homme, témoigne de la longue et riche Histoire de ces Peuples.
Cette diversité aussi bien dans les traits, le teint que dans les attitudes se retrouve dans les différents pays où vivent les Mandenka.

Du Senufo au Kuranko en passant par le Dyula, le Bamanan, le Soninké et enfin le Maninka, c’est toute une palette de visages, de ports de têtes et d’expressions que nous offrent ces peuples qui ont en commun une culture dans laquelle nous retrouvons divers produits et accessoires destinés à magnifier leur beauté naturelle : celle de la femme d’abord et de l’homme ensuite.


Allons à la découverte de la femme mais aussi de l’homme mandenka d’hier et d’aujourd’hui.

L’essence de la Beauté Mandenka

©Runoko Rashidi

Dans les sociétés Mandenka, la beauté naturelle va de paire avec des principes, des émotions et des attitudes qui sont liés au genre de l’individu. Ainsi, suivant que l’on est femme ou homme, certaines caractéristiques viendront bonifier la beauté, ajoutant ainsi de la prestance à l’individu :

  • La Réserve et la Douceur pour la Femme.
  • La Dignité et l’Honneur pour l’Homme.

Chaque attitude, chaque émotion manifestée (notamment en public) chaque parure, chaque vêtement de la Tradition tend donc pour chaque genre à magnifier la beauté naturelle.

Cela est vérifiable lorsque l’on s’arrête sur les canons en vigueur lors des périodes durant lesquelles le peuple Mandenka a su exprimer sa culture et sa vision du monde.

De fait, que ça soit le Kurukan Fuga de Sundiata Keita, le code de conduite et les qualités prônées dans les différentes castes, le lien entre le Fils et la Mère, ou même l’éducation mandenka simplement, tout amène lHomme à se comporter et à vivre en homme Digne et d’Honneur, et tout amène la Femme à montrer une Douceur et une Réserve qui en réalité sont le siège de sa Force cachée.

L’essence de la Beauté Mandenka est donc cette dialectique permanente instaurée entre l’Honneur et la Dignité de l’Homme et la Réserve et la Douceur de la Femme.

Chaque Homme gagne son Honneur et sa Dignité en préservant ou en restaurant la Dignité d’une épouse, d’une mère, d’une sœur… Et chaque Femme veille sur l’Honneur de son époux, son frère, son père par la Force discrète qu’elle exerce par la Réserve et la Douceur qui lui confèrent un regard avisé.

Cela participe à n’en pas douter à la Beauté Mandenka.

©premierrole.com

La beauté naturelle du Mandenka, est donc sublimée dans les attitudes, les émotions soigneusement dissimulées ou manifestées pour sauvegarder les apparences. Les parures, les coiffures et les vêtements servent avant tout à bonifier, à magnifier cette essence.

Il est important de noter à ce stade que l’Islam, qui a introduit des produits et autres accessoires a pour une fois contribué à enrichir la beauté de femme mandenka.

Cependant, les vêtements, coiffes, coiffures et parures, qu’ils soient traditionnels ou modernes, restent des atours d’une qualité et d’une spécificité uniques.

Attardons-nous à présent chez les Maninka, et continuons le voyage initié depuis le début de cette semaine en Guinée Conakry.
La Maninka va au fil du temps introduire dans sa panoplie d’accessoires divers éléments destinés à rehausser sa beauté naturelle. Et c’est dans la Nature qu’elle trouve tout le nécessaire pour embellir là, l’ourlet de ses lèvres, ici, l’éclat de ses dents et plus haut encore, la profondeur de son regard.

La tradition musulmane vieille dans le Manden a rajouté plusieurs autres produits de beauté qui ont été assimilés et transformés pour répondre aux besoins de la femme maninka. Henné, Khôl, Wusulan, Bayas, Si Tulu (beurre de karité), et autres produits contribuent à l’exaltation de la beauté de la femme. Il en est de même des parures telles que boucles d’oreilles, anneaux portés dans les narines et autres colliers.

©gettyimages.ca
Candidate miss guinnée 2011 ©aflebijoux.blogspot.com

Anneaux et boucles d’oreilles :

La tradition du perçage de nez est vieille aussi bien dans le Manden que dans d’autres contrées de Nubi.

  • Porter un anneau dans l’une ou dans les deux narines est une coutume commune à plusieurs peuples et elle concerne aussi bien les femmes que les hommes.

Le phénomène de «percing» qu’on rencontre aujourd’hui dans les métropoles étrangères est donc bien connu chez nous.
Seulement, seules les narines, les oreilles arborent des anneaux et des boucles chez l’homme ou la femme. Mais de nos jours, ce critère de beauté notamment chez les Maninka ne concerne plus que la femme.

Le Jabè

Les femmes utilisent le Jabè, encore appelé Henné. Elles l’utilisent pour dessiner des motifs sur le corps, notamment les mains et les pieds.
Introduit avec la culture musulmane, le Jabè est progressivement entré dans les us et coutumes, au point d’avoir une place importante dans les mariages : Lors des festivités, une soirée est dévolue à la pose du Jabè sur la mariée : Le Jaliba.

Les lèvres et les yeux aussi sont mis en valeur

Traditionnellement, les femmes utilisent les épines de tamarin et d’autres graminées pour se noircir les lèvres, leur pourtour ainsi que les gencives.

Elles utilisent également le Khôl pour souligner la beauté de leur regard.

Le Wusulan ou Usulan (woussoulan, oussoulan) : un atout de poids pour la beauté et la séduction féminines

Parmi les accessoires utilisés par la femme maninka pour rehausser sa beauté, séduire, entretenir son intérieur et rendre son environnement agréable, l’encens (wusulan ou Usulan) est un produit essentiel. Obtenu à partir de mélanges d’essences diverses (huiles essentielles, écorces, résine de bois, fleurs ou feuilles séchées), le wusulan est le compagnon indispensable de la femme maninka.

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Principalement conçu pour éveiller le désir de l’homme, le wusulan ou thiuraye en wolof (Sénégal) est le produit que toute bonne épouse maninka doit avoir dans sa maison. Il est tout ensemble parfum d’ambiance, et fragrance corporelle.
Selon la composition, il purifie et parfume agréablement la maison, il combat l’humidité dans les placards où sont rangés vêtements et autres linges de maison, il habille enfin le corps de la femme d’un voile irrésistible de senteurs réputées pour leurs vertus aphrodisiaques.

Pour toutes ces qualités, le wusulan est donc un produit quasi indispensable chez la femme mariée à l’origine. La société mandenka en général étant attachée à la « virginité » de la fille avant son mariage.
Le wusulan n’était donc utilisé que par les femmes mariées qui en usaient pour entretenir la flamme du désir chez leur époux.

Aujourd’hui, avec l’éclatement de la cellule familiale et la modernité, le wusulan intéresse aussi bien les épouses que les célibataires en quête de maris ou simplement d’un protecteur. Pour revenir à notre « arme de séduction » infaillible, sa fabrication artisanale est faite par des femmes souvent avancées en âge et qui gardent jalousement le secret de leurs ingrédients.
Ingrédients et recette ne sont transmis par la mère à sa fille qu’au moment du mariage de cette dernière.

Encore une fois, le modernisme met à la disposition de toutes les femmes ce produit précieux à travers les marchés et autres boutiques spécialisées. Le wusulan augmente indubitablement la prestance de la femme quand il est utilisé pour rendre le foyer agréable pour l’homme mais aussi pour tous ceux qui y vivent.

Nous reviendrons plus longuement sur le wusulan et ses multiples usages dans notre rubrique Femme Nubi : Femme et tradition chez les Bamanan (Bambara) du Mali.

©webzine.unitedfashionforpeace.com

Le karité, symbole du travail, de la fécondité et de la vie

Le karité ©le-beurre-de-karite.com

En Maninkakan, le beurre de karité est appelé « Si Tulu », qui se traduit par « Huile de vie ».
Dans la pure tradition du Manden, le karité (arbre, feuilles et fruits) est un symbole de vie. Reprenons ici les mots Seydou Keita (1) : « Le rameau de karité, symbole du travail, de la fécondité, et de la force des liens du mariage»

« … Les feuilles (les rameaux) sont utilisées chez les Malinkés pour accompagner la nouvelle mariée qui rejoint pour la première fois le domicile conjugal. Le rameau de karité que tient la nouvelle mariée dans sa main droite et une louche dans l’autre, signifie la fécondité, le travail et la force des liens du mariage. » «  De nos jours, nous ne voyons aucune femme rejoindre son mari avec un rameau de karité » (2), regrette amèrement le vieux Ladji Yamoudou Keïta.

(1&2) Seydou Keita in Représentations populaires, valorisation, accessibilité et gestion d’un produit de cueillette, le Karité au Mali, CNRST, www.dicsahel.org

Un rameau de Karité ©le-beurre-de-karite.com
©empreintenaturelle.fr

Tout vient d’être dit sur le rôle du karité, qui comme le wusulan est un attribut essentiel qui participe à la beauté de la femme.                             

Qu’il s’agisse comme nous venons de le lire d’accompagner la jeune mariée dans son foyer ou d’embellir plus tard sa peau mais aussi pour soigner diverses affections (escarres, brûlures, vergetures, etc.), le karité est au cœur de la vie de la femme maninka.       

L’extraction du beurre de karité qui entre dans la composition de divers produits de beauté de la femme maninka est une activité essentiellement féminine. 

La légende dit que l’arbre de karité aurait donné de ses fruits à la femme pour sécher ses larmes parce qu’elle est sensible et prompte à se lamenter. La réalité est en effet que seules les femmes travaillent le karité pour lui soutirer toutes ses merveilles. Il fait aujourd’hui la richesse de nombre d’entre elles dans le Manden et leur garantit notamment au Mali une indépendance financière indéniable.

Le beurre de karité comme produit de beauté participe donc à l’embellissement de la femme maninka dans son usage comme crème capillaire mais aussi corporelle.

Et ce mélange unique de wusulan et de karité sur le corps de la maninka traditionnelle est à lui seul la marque d’une beauté particulière qui atteint sa magnificence lorsqu’on ajoute à ces deux produits les parures et les vêtements adéquats.

©donnaecasa.it

Du cimier au foulard

©pinterest

Crépu, bouclé, frisé ou non, le cheveu chez les Maninka fait l’objet d’une attention particulière dès les premières années de l’enfant.

Les filles sont donc tressées dès leur plus jeune âge. La diversité dans les coiffures chez la femme Maninka est la preuve d’un savoir faire digne des plus grands.

Ces tresses sont traditionnellement complétées par un cimier (1).
Aujourd’hui, si les femmes arborent toujours des tresses, les cimiers ont été abandonnés au profit de foulards. Remarquons d’ailleurs que le foulard rappelle à certains égards, le cimier.
Maintenant, voyons comment se présentent les tenues de ces femmes.

1. Pièce surmontant la tête allant du front à la nuque. Elle peut être ornementée de peau, de plumes, de cauris, de perles ou même de pièces de monnaie.

Les tenues de la Maninka

La tenue des Maninka a elle aussi beaucoup évolué.

Au-départ, c’est un pagne de coton simple et dépouillé noué autour des reins pour la femme.

Aujourd’hui, la femme Maninka porte avec élégance plusieurs tenues allant du simple pagne noué sous une camisole à des boubous amples richement brodés assortis à des foulards aux modelés complexes et variés.

Traditionnellement, la femme porte deux types de vêtements

  • (Fani en Maninkakan) :
    Le vêtement pour travailler (Baraké Fani)
  • Le vêtement pour les sorties telles que les baptêmes, les mariages, etc. (Diamaro Fani).

Aujourd’hui, les femmes Maninka ont enrichi leur garde-robe avec des tissus imprimés tels que le Batik, le Bazin ou le Wax.

Elles accompagnent leurs grands boubous, leurs camisoles d’un foulard noué avec un art certain.

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Les parures de la Maninka

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Les parures Maninka sont à l’image de l’essence du peuple qui les arbore. Elles sont tour à tour simples et dépouillées, complexes et richement montées. Et toutes produisent un effet certain lorsqu’elles sont arborées par la femme Les parures, souvent ont une double fonction :

  • Elles subliment la beauté, la mettant toujours plus en valeur sans artifices inutiles.
  • Elles sont également gage de chance et de bonheur.

L’une des parures les plus populaires auprès des femmes Maninka de Guinée Conakry est sans aucun doute le fameux Baya.

Il s’agit d’un collier de perles qu’elles portent à la taille, directement sur le corps lorsqu’elles sont vêtues d’un boubou, ou sur le pagne lorsque le boubou cède sa place au pagne.

©devousamoi.mondoblog.org
©ere-wedding.over-blog.com

Connu comme étant un instrument de séduction sans égal, il présente plusieurs variétés, et chacune d’entre elles renferme un code.

Prenons le cas du Ferl, un Baya constitué de grosse perles qui s’entrechoquent lorsque la femme marche, émettant ainsi un bruit caractéristique. Ce dernier montre que la Femme qui le porte est dans certaines dispositions.

Notons que le Baya peut également être combiné à d’autres accessoires tels que le Wusulan pour des effets toujours plu « enivrants ».

Perles, cauris ou anneaux, cuivre, argent ou or, ces parures cassent la monotonie du noir des cheveux, apportent une touche de couleur et de précieux sur le visage, confèrent un air altier et fier en habillant le cou, ou alors deviennent une arme de séduction sure en habillant la taille.

Mais plus encore, portées d’une manière consciente, elles sont un moyen de liaison infaillible avec l’impalpable.

Intéressons-nous maintenant aux hommes qui partagent le quotidien de ces femmes, parlons de l’Homme Maninka de Guinée Conakry.

Les tenues du Maninka

L’artiste Sekouba Bambino Diabaté de Guinée Conakry ©aiuvoice.wixsite.com

Traditionnellement, les hommes Maninka portent diverses tenues, souvent fonction de leur statut, ou de la caste dont ils sont issus.

Comme les femmes, les hommes Maninka portent le boubou (Duruki), avec la même différenciation :

  • Le boubou pour travailler (Baraké Duruki) de couleur jaune
  • Le boubou habillé (Diamaro Duruki) de couleur blanche.

Ici non plus, les codes de couleur ne sont plus respectés, et l’on porte son choix sur le tissu imprimé. Le boubou est accompagné d’un pantalon assorti.

Le boubou est surmonté d’un bonnet :

  • Soit le Bamba Dah, bonnet dont la forme rappelle une gueule de crocodile et ouvert sur les côtés.
  • Soit le Gaban, chapeau de paille cônique.

Les hommes portent également le mado ou fula (foula) en maninkakan et fugula (fougoula) en bamanankan) : petit bonnet maninka avec deux ficelles sur les côtés porté notamment au moment de la circoncision.

Le boubou est ensuite complété par une tunique appelée Durukiba ou Gandura (1) aux motifs brodés qui rehaussent la couleur du tissu.

(1) Mot d’origine berbère (Algérie) qui désigne la tunique sans manche et sans capuche qui est enfilée au-dessus du boubou chez les hommes.

Tenue masculine maninka ©au-senegal.com

L’intérêt porté aux Donso (chasseurs) s’explique par leur mise vestimentaire unique composée d’éléments issus de la tradition et qui combinent divers produits issus de la Nature.

Ces vêtements sont cousus par des initiés qui y insèrent des reliques et autres objets à la Force avérée.

L’habit du Donso est à lui seul un atout vestimentaire qui traduit la force et le mystère des Initiés. Chaque élément qui compose le boubou, le chapeau ou le pantalon est soigneusement travaillé pour optimiser son efficacité lors des cérémonies, des rituels et des parties de chasse.

Conclusion

En plus d’être parmi les plus riche, la Beauté Maninka est sans doute l’une de celles qui savent constamment se renouveler.

Le Peuple Maninka su garder des éléments essentiels qui font partie aujourd’hui de ce patrimoine informel et culturel.

Maguette Sakho ©pinterest
Auteur : Maduta Mà Úti
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